Joyeuses Pâques

L’une des Fêtes les plus heureuses dans la vie d’un enfant est bien et bel Pâques. Imaginez-vous, Cadeaux, endimanchés, et surtout  chocolat à gogo. Dans un passé pas si lointain, les gens se rendraient visite, ils passaient de maison en maison, s’exclamant « Massih Kam » auquel répondaient de nombreux « Hakam Kam », ils rendaient également les chocolatiers confiseurs riches, amenant avec eux, ces fameux œufs à la saveur cacao aux goûts noirs, blancs ou au lait, tout pour rendre le plus petit des chérubins heureux.

Je me souviens ainsi que dès mon réveil, je galopais vers la salle à manger pour prendre en guise de petit déjeuner, un gros œuf certes vide en dedans mais égal à mon tronc. Œufs offerts par des membres de la famille, des collèges de travail de mon père, des congrégations religieuses amies telles que les sœurs de la Croix ou les Carmélites de Harissa mais encore les Paulistes de Harissa. Bref, il y en avait pour un seul goût, le mien. C’était mes choses. A moi! Je ne partageais pas. Je me goinfrais devant la Télévision, ils passaient le fameux dessin animé en français – chose à l’époque courante, ce qui n’est plus guère le cas aujourd’hui –  « Phénix, l’Oiseau de Feu », sur les ondes de la LBC pas encore LBCI à l’époque.

Pâques avait aussi une autre signification, plus religieuse, celle de la Résurrection du Christ. On allait donc – mi-temps spirituelle oblige – à la messe solennelle de Harissa. A l’époque, en raison des destructions des autres lieux de cultes – dont la cathédrale melkite du Centre-ville ou encore l’Archevêché pillé et en plein milieu de la fameuse ligne verte, ligne de démarcation en réalité entre Beyrouth Ouest et Beyrouth Est et colonisée par une sorte de forêt sauvage, désertée en raison des combats, d’où son pseudonyme, pour ne pas évoquer les églises du mauvais coté de la capitale libanaise donc inaccessibles ou celles plus lointaines dans des régions qui étaient considérées comme hostiles – et sous la houlette de son abbé général devenu par la suite Évêque Grec Catholique de Jérusalem, Père Mouallem, la Basilique St Paul de Harissa jouait un rôle central pour la communauté. Il y avait donc foule, les enfants étaient heureux et d’ailleurs ils étaient récompensés là aussi ici, par la distribution des Œufs de Pâques ici durs, décorés de milles et unes couleurs. La tradition se poursuivait à la fin de la cérémonie – compétition entre cousins -, à qui aurait l’œuf le plus dur et qui ne se briserait pas sous les coups des autres œufs appartenant des membres de la famille. Chacun voulait être le gagnant, du moins les autres, quitte à tricher parfois, moi je ne pouvais que m’en foutre, mes œufs en chocolat eux, m’attendaient à la maison le soir venu.

Ma Grand-Mère préparait ses Maamouls quelques jours avant, petits biscuits très sucrés, un peu sableux, cela ne correspond plus aux gouts d’aujourd’hui. Enfant, on les adoraient, ils avaient le goût du travail et des mains de ma Grand Mère. Elle savait faire sans nul pareil, la cuisine libanaise, touche à tout, mis à part au Kébbé réservé à mon oncle. Son goût s’était cependant un peu altéré au fil de ses dernières années, trop sucré, trop salé, ses papilles gustatives n’étaient plus ce qu’elles étaient, il fallait l’aider, donner son avis sur tel ou tel plat, un avis juste, demandait-elle, elle qui voulait être parfaite dans ses œuvres culinaires, elle était quelque peu meurtrie dans ses sentiments par sa vieillisse.

Ma Grand Mère, en arrière plan, la tante Rose.
Ma Grand Mère, en arrière plan, la tante Rose.

Les festivités de Pâques se poursuivaient ensuite au domicile des Grands Parents à Beyrouth, heureuse occasion aujourd’hui abandonnée de voir toute la famille au sens large – pratiquement tribal – réunie la aussi, mon Grand Père président la table, mon Père à sa droite, ma mère ensuite, puis moi-même, à sa gauche, mon autre oncle Rafic, suivi de ma tante Amal et de mon dernier oncle mais néanmoins Parrain Ramzi qui n’était pas encore marié. Les plats se succédaient, taboulé, fattoush, puis kébbé, mouton en rôti, boeuf strogonoff préparé par Rafic et spécialement pour moi, frites et kafta à l’instigation de ma Grand Mère Souraya. En évoquant ma Grand Mère décédée en Avril 1995, elle ne se reposait jamais. Elle était toujours la dernière à se servir et déjà qu’elle mettait à peine un peu de nourriture dans sa bouche, elle pensait déjà à la suite. Les repas duraient ainsi jusqu’en fin d’après midi, avant que les messieurs ne déménagent au salon, prendre leur café et discuter -voir se chamailler quelques fois- de quelques affaires politiques ou familiales – compétition à l’instigation de mon oncle Rafic sans que mes parents souhaitaient entrer dans ce jeu là, l’heure était également de savoir qui de mes cousins ou de nous allions aux meilleures écoles et comment nous nous y comportions – à régler tandis que mes cousins et moi, allions se réfugier dans les chambre, jouer aux preux chevaliers avec des épées tirées d’une sorte de commode familiale très vite d’ailleurs collée par nos anciens qui craignaient qu’on puisse se blesser avec.

Parfois Pâques, c’était à Strasbourg, ma ville natale. Là-bas, les choses étaient différentes, en lieu et place des œufs de Pâques, l’Agneau Pascal au petit-déjeuner, messe solennelle à la Cathédrale de Strasbourg, déjeuner chez ma tante. Les dernières années passées dans la capitale alsacienne ont été marquées par une certaine volonté de refaire « pareil » ses souvenirs mais au lieu d’acheter l’Agneau dans une pâtisserie-chocolaterie connue – Chez Christian Meyer pour ne pas le nommer -, je désirais le faire moi-même, afin de pouvoir le reconstituer si besoin était au Liban. Un peu d’Alsace au Pays des Cèdres, vouloir mélanger les avantages des 2 Pays pour en tirer le meilleur en quelque sorte.

Que de souvenirs ainsi immergés qui reviennent à l’esprit à l’occasion de ces cérémonies annuelles.

Aujourd’hui Pâques a quelque peu perdu de sa splendeur, certes, les cérémonies grandioses ont toujours lieu, un peu moins grandioses tout de même, les autres paroisses ayant repris leurs activités avec la fin de la guerre. Certes, on distribue toujours des œufs, on ne nous offre plus de chocolat à Pâques, les gens font moins de cadeau, paupérisation peut-être, la fin de la magie de l’enfant devenu adulte surement. Les familles se sont agrandies, parfois éclatées, chacun célèbre de son côté, les Grands Parents ne sont plus présents pour nous réunir. On est devenu adulte, on a peut-être perdu les yeux pour émerveiller, il reste ces souvenirs qui se fanent par le nombre des années.

Le passage de l'encens parmi les fidèles. Basilique St Paul, Harissa, Liban. 24 Avril 2011. Leica M9, Summicron 50 mm
Le passage de l'encens parmi les fidèles. Basilique St Paul, Harissa, Liban. 24 Avril 2011. Leica M9, Summicron 50 mm
La présentation de l'Evangile. Basilique St Paul, Harissa, Liban. 24 Avril 2011. Leica M9, Summicron 50 mm
La présentation de l'Evangile. Basilique St Paul, Harissa, Liban. 24 Avril 2011. Leica M9, Summicron 50 mm
Même les enfants participent avec sérieux à la procession. Basilique St Paul, Harissa, Liban. 24 Avril 2011. Leica M9, Summicron 50 mm
Même les enfants participent avec sérieux à la procession. Basilique St Paul, Harissa, Liban. 24 Avril 2011. Leica M9, Summicron 50 mm
La fête des enfants pour Pâques. Basilique St Paul, Harissa, Liban. 24 Avril 2011. Leica M9, Summicron 50 mm
La fête des enfants pour Pâques. Basilique St Paul, Harissa, Liban. 24 Avril 2011. Leica M9, Summicron 50 mm
La Bénédiction des Œufs de Pâques. Basilique St Paul, Harissa, Liban. 24 Avril 2011. Leica M9, Summicron 50 mm
La Bénédiction des Œufs de Pâques. Basilique St Paul, Harissa, Liban. 24 Avril 2011. Leica M9, Summicron 50 mm
Distribution des oeufs de Pâques par le Père Aghria, Basilique St Paul, Harissa, Liban. 24/04/2011. Leica M9, Summicron 50 mm
Distribution des oeufs de Pâques par le Père Aghria, Basilique St Paul, Harissa, Liban. 24/04/2011. Leica M9, Summicron 50 mm

 

2Comments

Add yours
  1. 1
    ishtar

    Les souvenirs ne se fanent pas, preuve en est cet article, très bien écrit. Je sens que je suis petite de nouveau et c’est comme si je passais un dimanche de Pâques avec toi, à ta manière, quand tu étais petit 🙂

  2. 2
    Francois El Bacha

    On revit chaque année des souvenirs. On devient nostalgiques d’un certain passé. L’enfance était heureux en dépit des évènements. On ne se rendait pas compte des choses parce que nos parents se sacrifiaient.

Comments are closed.