L'échec du concept de gouvernement d'union nationale à l'origine de la perte de confiance envers les politiques

Une des principales leçons est aujourd’hui la remise en cause d’un système politique qui semble être dépassé par la contestation.

Ainsi, si le Courant Patriotique Libre avait réussi à placer ses points, ces dernières années, jusqu’à l’élection du Général Michel Aoun à la tête de la Présidence de la République, ou encore le Hezbollah, c’était avant tout parce qu’ils s’étaient mis en opposition aux partis traditionnels.

En ayant participé à des coalitions d’union nationale, au risque de paraitre aux côtés de ceux-là même qu’ils entendaient dénoncer il y a quelques années, ils ont également fini par y ressembler aux yeux d’une population fatiguée par la crise, minée par un taux de chômage ayant atteint entre 35% et 40% de la population active, enterrée par la pression fiscale alors qu’un million et demi de personnes vivent avec 6 000 Livres Libanaises par jour.

Cela a causé un défaut d’alternative politique, le débat était clos. Il n’y avait plus de sujet de discussion.

Un des forts ressentiments était après les élections législatives de 2018, avec la constitution du gouvernement d’union national Hariri III, avec des débats forts intéressants durant la période électorale mais qui n’ont, au final, abouti à pas grand chose. Après 9 mois de gestation, le temps d’une grossesse après tout, le Premier Ministre Saad Hariri a mis en place un gouvernement bien hétérogène avec un manque patent de solidarité en son sein.

Souvenons-nous les critiques concernant Gébran Bassil sur la question des réfugiés syriens, l’incident de Qabr Chamoun, l’absence de solutions à la crise des ordures qui date tout de même depuis 2015 en raison de débats interminables, les pugilats lors des conseilles ministres, les propos dans les médias de ministres critiquant les autres, l’absence de formation de plans applicables à des réformes économiques, le fait que les 5 000 fonctionnaires embauchés durant le moratoire n’ont pas été virés mais surtout une sorte d’insolence, celle d’hommes politiques qui semblent être déconnectés de la réalité imposée à la population. Il n’y avait aucune solidarité interministérielle même si tout finissait par s’arranger, à croire que les partitions étaient dites d’avance. Il fallait bien s’entendre déjà parmi eux.

Mais cela aboutissait aussi à des institutions paralysées, incapables à réformer, chacun tirant dans son sens, avec aucune décision possible en conseil des ministres sans consensus et surtout marchandages, à qui en profitera le plus. Il n’était plus question de compétences mais d’appartenance à telle ou telle communauté, à tel ou tel parti politique au final dans le placement au plus hautes institutions du Liban.

C’est ainsi qu’une grande majorité de la population a eu ce sentiment – légitime – d’un pouvoir qui lui est confisqué en dépit d’institutions qui paraissent démocratiques, parce qu’il y a eu absence de contre-pouvoir pour contrôler l’action gouvernementale.

Pour qu’une démocratie existe réellement, il faut des alternatives politiques et non des gouvernements d’union nationale qui se succèdent sans changement de politique qu’elle soit d’ordre politique en tant que telle, ou économique ou monétaire. Il est important d’avoir des débats sur l’opportunité de telle ou telle chose mais surtout un contrôle indépendant. Le problème est le cumul des mandats, à savoir avoir des ministres en même temps députés, qui sont donc à la fois juges et arbitres, et même juges s’il y a mise en place d’une procédure d’enquête à leurs encontre sur corruption.

Le système d’union nationale a aussi amené à ce que finalement il y ait unité, non pas pour eux, mais aussi contre eux. Ainsi, chiites, sunnites et communautés chrétienne ont fini par s’unir dans des demandes de lutte contre la corruption, de mise en place d’un nouveau système politique non confessionnel.

Il est nécessaire désormais, d’avoir une majorité qui gouverne et qui sache prendre des décisions, bonnes ou mauvaises, et au sein du parlement et non au sein du cabinet, une opposition qui contrôle, critique – de manière constructive comme on peut l’espérer – le travail institutionnel des autorités. Cela est nécessaire d’autant plus que le Liban s’achemine, après ces manifestations, vers une période encore plus critique avec de probables remises en cause en profondeur de son système économique. Un débat public est donc nécessaire.