Les implications de la démission surprise de Saad Hariri

Le Premier Ministre Libanais Saad Hariri a annoncé ce samedi 4 novembre 2017 sa démission depuis Ryad en Arabie Saoudite. Cette démission surprise annonce bien de mauvaises nouvelles pour le Pays des Cèdres et pourrait déstabiliser le Liban.

Saad Hariri a accusé l’Iran et le Hezbollah d’inciter au chaos au Liban et dans la région et a également évoqué des craintes sur sa vie, comparant sa situation politique actuelle à celle qui prévalait lors de l’assassinat de son père, le 14 février 2005.

Cependant, certains partis opposés au Premier Ministre Libanais accusent ce dernier d’avoir subi le chantage du Royaume Saoudien, citant notamment les difficultés économiques de ses entreprises saoudiennes.

Cette démission intervient alors que la situation politique libanaise semblait en voie d’être stabilisée, notamment la situation sécuritaire avec la défaite des groupes terroristes Daesh et Al Nosra suite à l’offensive de l’Armée Libanaise durant l’été 2017 et que se multiplient les menaces d’un conflit entre le mouvement chiite Hezbollah et Israël.

Plusieurs dossiers restent ainsi en suspens, notamment celui des réfugiés syriens dont la présence estimée à plus d’un million et demi grève actuellement l’économie libanaise et alors que le Liban vient de nommer un nouvel ambassadeur à Damas. Les appels au retour des réfugiés syriens alors que le mouvement terroriste Daesh semble aller de défaite en défaite se multiplient au sein des partis proches de la Présidence de la République et de ses alliés opposés à celui du Premier Ministre Saad Hariri.
Le Liban pourrait également manquer à l’appel alors que la reconstruction s’annonce en Syrie suite à la défaite de Daesh.

Une démission qui aggrave le conflit entre communautés sunnite et chiite

Cette démission aggrave également, sur le plan local, le conflit entre sunnites et chiites alors qu’il semblait s’apaiser dernièrement. Le Premier Ministre Saad Hariri désormais démissionnaire avait ainsi déclaré dans les colonnes du quotidien La Repubblica avoir mis de côté ses différents avec le Hezbollah, le 17 octobre dernier. Dans son discours annonçant sa démission, il a cependant accusé l’Iran et son allié local, de disséminer dans la région le chaos – allusion à la présence armée du Hezbollah au Liban et en Syrie  et de l’implication de Téhéran auprès de Bachar al Assad en Syrie – et même de vouloir l’assassiner.   Le changement de son discours à 180 degrés depuis la capitale saoudienne pourrait provoquer un retour aux conflits larvés entre les 2 communautés sunnites et chiites soutenues respectivement par l’Arabie Saoudite et l’Iran sur la scène locale, alors que la situation entre ces 2 communautés reste conflictuelle dans différents pays, comme la Syrie, l’Irak ou encore le Yémen.

Une vacance du Pouvoir par intérim?

Agitant des menaces à l’encontre de sa vie, on peut supposer que Saad Hariri ne retournera pas de sitôt au Pays des Cèdres. De nombreuses questions concernant le fonctionnement des institutions actuelles pourraient se posent par conséquent en raison de la présence du Premier Ministre démissionnaire hors du Liban.

Le Président de la République Michel Aoun désormais quelque peu isolé par la perte du soutien sunnite

L’un des principaux perdants avec cette démission est la Présidence de la République qui bénéficiait auparavant d’une sorte de consensus entre les différentes communautés chrétiennes, sunnites et chiites nécessaire depuis la conclusion des accords de Taëf ayant pérennisé le fonctionnement sectaire des institutions libanaises. Ce consensus a ainsi permis d’avancer sur différents dossiers cruciaux dont celui de l’exploitation des hydrocarbures ou encore la hausse des salaires.   Cette démission surprise affaibli la Présidence de la République Libanaise désormais qui semble désormais perdre le soutien d’éléments au sein de la communauté sunnite alors que Michel Aoun devait entamer prochainement une tournée dans différents pays arabes. Cette visite a été d’ailleurs reportée.  Aucune personnalité sunnite de poids ne semble actuellement se dégager pour succéder à Saad Hariri.

Une démission à but électorale?

Cette démission du Premier Ministre Saad Hariri pourrait avoir été effectuée en prévision de calculs électoraux si toutefois les élections législatives puissent être organisées. En novembre 2016, Saad Hariri était revenu au pouvoir avec l’objectif de rétablir sa prééminence au sein de la communauté musulmane sunnite, notamment face à l’ancien Ministre de la Justice Ashraf Rifi qui le contestait depuis Tripoli,
Le Premier Ministre démissionnaire prend aujourd’hui en musclant son discours à l’encontre du Hezbollah, le risque de raviver un conflit communautaire entre sunnites et chiites pour peut-être ainsi gagner des voix lors de ces élections.

Mais la tenue dans les délais des élections législatives menacée…

Avec l’absence d’une personnalité sunnite de poids au poste de Premier Ministrable, la succession à la tête du Conseil pourrait s’annoncer d’autant plus ardue qu’il faudra constituer ensuite un gouvernement. Les délais de formation d’un tel cabinet, en raison du conflit qui s’annonce entre les différents partis politiques libanais, pourraient provoquer le report des élections législatives initialement prévues en mai 2018 et censées pérenniser le fonctionnement de l’Etat Libanais. 

1Comment

Add yours

Comments are closed.