En attendant les lendemains qui (dé)chantent

Dans un pays où des responsables politiques s’interrogent en estimant qu’une agence de notation privée « ne peut dégrader le Liban parce qu’en même temps les américains offrent un soutien militaire à l’Armée Libanaise », on constate bien le niveau des dirigeants et surtout le manque de compréhension de la chose économique, en dehors de celle de leurs portefeuilles. 

Ce n’est en effet, ni en raison d’un soutien militaire, ou de pressions d’ordres politiques, qu’une agence de notation accorde des notes à des pays ou des institutions publiques ou même privées. 

La crédibilité même des notes d’une telle agence repose sur une totale indépendance vis-à-vis des autorités publiques ou autre, même privées, pour être objectives et impartiales et non influençables notamment par des conflits d’intérêt et par une manipulation des cours de bourse puisque les obligations libanaises notées sont listées sur des marchés internationaux. 
Ce n’est donc pas parce que tel pays ou que telle personne fait ce genre de déclarations qu’une agence de notation va modifier une note qui s’appuie plus sur des critères économiques et sur des prévisions économiques, que cela n’en déplaise ou pas à nos dirigeants politiques qui peuvent multiplier autant qu’ils veulent leurs déclarations pour se rendre intéressants. Cela remplira bien quelques lignes des canards locaux en attendant la véritable nouvelle. 

Ces mêmes responsables auraient été plus avisés de déclarer que les informations faisant état d’une possible dégradation en ce mois d’août étaient liées à la crise politique issue de l’incident de Qabr Chamoun et à la paralysie des autorités exécutives qui pénalisaient la mise en oeuvre du plan de réforme économique et monétaire. Et, ainsi indiquer que cette menace est pour l’heure écartée par la résolution que cette situation avait posé.
Ils auraient pu conclure que fort heureusement le spectre d’une dégradation immédiate des notes attribuées au Liban étaient pour l’heure écartée mais que cela démontre également qu’il faille désormais éviter ce genre d’incident, que les institutions étatiques doivent désormais fonctionner et éviter autant que possible les faux-pas.

Ils auraient pu souligner que le budget 2019 a finalement pu être entériné avec un programme beaucoup plus ambitieux qu’initialement. Toujours faut-il passer aux actes et non se contenter des paroles…

Mais cela n’écarte surtout pas les autres échéances et défis qui se posent, comme le fait que l’amélioration relative des déficits publics n’est liée qu’au non-paiement donc à un défaut de paiement aux entrepreneurs, hôpitaux, médecins, sécurité sociale, ou encore aujourd’hui même à la BDL puisque le Ministère des Finances doit rembourser à la Banque du Liban, la somme due au paiement des dernières obligations libanaises arrivées à échéance au mois d’avril. Cela n’écarte également pas les difficultés posées à l’état pour se financer, quand on constate le manque d’intérêt que suscitent les obligations libanaises à taux réduit que souhaite lancer le Ministère des Finances. Face à ces difficultés à lever des fonds, cela n’écarte en rien le problème posé par le remboursement des 5 milliards d’obligations libanaises qui arrivent à échéance en novembre, un mois qui s’avère beaucoup plus crucial que ce mois d’aout. C’est à ce moment-là, à priori, qu’on verra ou non, les menaces pesant sur l’économie libanaise se réaliser ou pas. 

Quand on sait que le ministère des finances est dans la main d’un homme lié au dirigeant qui a fait les déclarations précédentes et non aux fondamentaux de notre économie qui se rappellent à nous de manière bien quotidienne avec la crise économique, les déficits qui continuent à se creuser, la croissance économique qui se fait attendre, le versement des fonds promis dans le cadre de CEDRE qui attendent la mise en oeuvre des plans de réforme économique et monétaires, sans compter les déclarations des instituions et organisations internationales, Banque Mondiale, FMI, les agences de notation étant le cadet de nos soucis actuels, on peut avoir peur de la suite des évènements …

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