Piano Piano

Trio Tord Gustavson, le final. Leica M9, Summicron 50 mm. © Francois el Bacha. Tous droits réservés.
Trio Tord Gustavson, le final. Leica M9, Summicron 50 mm. © Francois el Bacha. Tous droits réservés.

La nouvelle saison des concerts commence avec Liban Jazz, qui a invité pour l’occasion le scandinave Trio Tord Gustavsen, récipiendaire du Grammy Award Norvégien toutes catégories confondues en 2010, au Music Hall ce dimanche. Peut-être est-ce là le résultat de la concurrence annoncée du nouveau festival Beirut Jazz Festival ou le fait que la saison des concerts d’été aujourd’hui achevée mais riche en son rock, pop et autres avec entre autre, Moby ou Scorpions à Byblos, voir même la richesse des artistes amenés aux festivals de Beiteddine avec notamment Ibrahim Maalfouf, neveu de l’écrivain célèbre ou du Louis Hayes et le Cannonball Legacy Band au festival de Baalbeck mais de nombreuses places restaient encore disponibles avant l’entrée en matière des artistes sur scène et comme en témoignent les quelques places laissées libres aux premières rangées même de l’évènement. Certaines conversations, dont celles des dadames du 2ème rang, indiquent même que certains spectateurs étaient venus sans même savoir de qui il s’agit,  » chou qu’est ce qu’on regarde ce soir », dira la première, « il est mignon », poursuivra la deuxième avant que la 3ème ne conclu sur un « ah les hommes, ils sont dangereux », allant même jusqu’à préciser qu’elle n’avait pas eu l’occasion de laver ses cheveux en dépit d’une tenue de soirée, mode drague certainement à la sortie des coulisses… Cela tombe bien, elles étaient 3, tout comme les artistes sur scène!

Tord Gustavson au piano, 18 septembre 2011, Music Hall, Beyrouth, Liban. Leica M9, Summicron 50 mm. © Francois el Bacha. Tous droits réservés.
Tord Gustavson au piano, 18 septembre 2011, Music Hall, Beyrouth, Liban. Leica M9, Summicron 50 mm. © Francois el Bacha. Tous droits réservés.

Au delà de cette note dont on appréciera ou pas l’humour de la situation, même si elle ne fait que dépeindre une certaine réalité, passons à l’essentiel c’est à dire à la musique et en l’occurrence au Jazz. Largement critiqué dans le monde – les spécialistes du genre diront que le style de Trio Tord Gustavsen est monotone -, un avis tout personnel sera d’admettre qu’on est effectivement loin des préoccupations premières de l’origine même du Jazz, c’est à dire d’une musique afro-américaine « chaude en rythme », née dans les années de ségrégation raciale aux USA. Il n’est pas néanmoins moins vrai également que le Trio Tord Gustavsen, composé par ce dernier au piano, Jarle Vespestad à la batterie et de Mats Eilertsen à la contrebasse, nous emmène dans une certaine tristesse ou le froid est scandinave, presque soporifique d’ailleurs. On s’imaginerait rêver d’être dans un vieux bar au long comptoir en bois, seul, s’abreuvant avec un whisky au long cour ou un verre de cognac à la main, discutant de problèmes existentiels auxquels on fait face ou même à écouter avec le bruit des braises d’une cheminée dans un hiver aux longues nuits de l’Europe du Nord et en l’occurrence norvégiennes.

Il s’agit d’une musique Zen dont les notes sont lentes, douces, fluides, parfois même sensuelles – sensualité développée notamment dans la relation entre le pianiste et son instrument, faite de douceur la plupart du temps à reposer l’audience, même parfois trop mais aussi quelque fois un peu plus crispée, une relation qu’on pourrait presque prétendre « amoureuse » donc – propre à évacuer toute tension quotidienne dans la plupart des morceaux abordés. Il y a eu ensuite un peu plus de rythme, les notes étaient un peu plus puissantes, peut-être à cause du jeu à la batterie ou de quelques touches plus soutenues au piano, nous sortant quelque peu de notre plénitude ou de notre méditation mais sans plus, on aurait pu s’attendre à plus, nous laissant sur une certaine faim dans nos recherches mystiques. La mélodie est d’une rare beauté certes, beauté même évidente, mais elle gagnerait à être accompagnée par une voix, une mise en parole du thème développé donc à l’expression ou à l’explication des sentiments évoqués, avec un voix chaude comme celles de certaines chanteuses afro-américaines, mais cela n’était malheureusement pas le cas ce soir.

Pour découvrir Tord Gustavsen, mais cette fois-ci accompagné par une voix féminine, je vous propose cette vidéo tournée dans un précédent concert, en 2009 pour être plus précis.