Souvenirs d’indépendance

C’était un 22 novembre des années 80. Des hélicoptères passaient par là, près de nos cours de récré, on nous demandait de sortir, pour nous bombarder, pour fois d’une chose bien plaisante, il s’agissait de drapeaux libanais. Fête de l’Indépendance, en temps de guerre. Il faisait beau.

Gamin, je ne pouvais que faire l’amalgame entre milices et armée. Tous les 2 étaient armés et soit-disant nous protégeaient. Tous les 2 portaient des uniformes. Un enfant ne percevait pas les différences, plus tard peut-être s’il pouvait y survivre, il apprendrait. La morale n’existait donc plus, ce pays sombrait vers des jours de plus en plus abyssaux.

« L’abadaye » du quartier devenait ainsi héros par similarité. La guerre n’était à l’époque qu’un jeu, de plastique pour les gamins, les armes devenaient d’acier pour les adultes. La Mort n’était qu’un état avec lequel on fleuretait, avec une différence, un gamin pouvait se relever, un adulte, criblé de balles, non. On se lançait des pierres, les prenant pour des grenades, on faisait la guerre même à son meilleur ami, juste pour jouer. Les adultes aussi, mais leur jeu était mortel.

La guerre était un état, paradoxale non? Un état de décharge d’adrénaline permanente, on fini par en être non pas indépendant, mais dépendant. Le danger doit devenir quotidien, diantre, sinon « de guerre lasse ».  On s’oublie. Certains n’ont aujourd’hui toujours pas grandi, l’adrénaline ne leur a pas permis de grandir, ils en ont toujours besoin, ils ont besoin de se mettre dans un danger quotidien.

Indépendance, mon enfance ne comprenait pas ce mot, il s’agissait juste alors d’un défilé, non pas militaire, ils étaient trop occupés à nous protéger en réalité. Mais un défilé d’hélicoptères, de glands de chênes avec lesquels on faisait des bougies pour nous souvenir, pour Noël, pour la fête des Maman, de coquelicots rouges, cueillies et fugaces, après tout ces fleurs sont aussi rouges et finissent par se faner rapidement, comme le sang  des martyrs de ce drapeau qu’on ne connaissait pas et qui disparait bien vite de nos mémoires… fort malheureusement.

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